Les artisans laissent tomber la camionnette et snobent les bouchons. Question d’efficacité.
Les petites entreprises qui se lancent dans le vélo n’ont rien de nouveau. Depuis quelques années, libraires, fleuristes et traiteurs sillonnent la ville à bord de leurs vélos cargos. Mais ils utilisent ces machines pour leurs livraisons. D’autre part, et c’est plus inhabituel, les artisans traditionnels se convertissent également à ce moyen de transport et l’utilisent comme un véritable outil de travail. C’est le cas d’un menuisier, d’un plombier et d’un électricien, que nous vous présentons ci-dessous.
On aurait tort de voir en ces trois artisans des citadins branchés, un peu bohèmes et des idéologues du vélo.
Aucun d’entre eux n’était passionné de vélo à l’origine.
S’ils s’y sont mis, c’était pour diverses raisons, toutes très pragmatiques.
Pour éviter les embouteillages. Pour économiser le coût du van, son assurance et son parking. Même pour trouver une solution à un retrait de licence.
Tous se disent convaincus de l’expérience. Parce qu’ils font gagner beaucoup de temps en évitant les tracas de la circulation. Mais aussi parce que le vélo les pousse à mieux organiser leur travail, en gérant au plus près les commandes, les trajets et le matériel à transporter. A les entendre, ils gagnent en efficacité. Et même sous forme physique.
Un vélo cargo électrique peut transporter 100 kilogrammes de matériel, voire plus selon les modèles. Il coûte environ 6000 francs. C’est un investissement important. « En revanche, les charges sont dérisoires, note Thierry Monney, menuisier. Je compte 200 francs d’entretien par an, un peu d’électricité, mais pas d’assurance particulière et pas de frais de parking.
L’association « Les artisans à vélo » vient d’être créée. Son président, Alexandre Rousset, traiteur à ses heures perdues, tente de promouvoir le vélo auprès des entreprises, persuadé que nombre d’entre elles gagneraient à tenter l’expérience, même à petite échelle. Tout en se délestant du trafic de quelques camionnettes.
“J’organise le travail au mieux, tout va bien”
“En vingt ans de métier, j’ai fait 4500 fois le pont du Mont-Blanc aux heures de pointe, ça suffit.” Thierry Moneyy en a assez du van. Ce menuisier de 42 ans, basé à Pregny-Chambésy, se déplace désormais avec son vélo cargo.
Un idéologue de la petite reine ? Certainement pas. Ce choix découle davantage de son expérience d’entrepreneur. Thierry Moneyy a monté une première boîte en 2009. « J’ai eu jusqu’à douze salariés, je suis devenu patron, je courais comme un fou après le boulot. Puis j’ai craqué.”
Il décide de repartir sur d’autres bases. « Je voulais limiter au maximum les charges. Pas d’employé, pas d’atelier, pas de camionnette. Le choix du vélo s’est fait comme ça. Cependant, cela ne le limite pas dans son activité. « Ma spécialité, ce sont les grands projets, pas les petits bric-à-brac », explique cet expert en structure, titulaire d’un certificat de contremaître.
Sa recette ? L’organisation. « Je prépare mes commandes de bois au plus juste, sur la base de mes plans générés par ordinateur. Et je ne fais qu’un seul travail à la fois. Cela demande une grande rigueur dans la préparation des travaux. La menuiserie n’est pas une blague.
« Le temps gagné, je le dédie à ma famille »
Ce n’est pas non plus un cycliste invétéré. Pourtant, depuis trois ans, Alexandre Coianiz, plombier et patron de Sani-Renov à La Jonction, se déplace en vélo cargo. “J’ai sorti mon vélo quand mon premier enfant est né et j’ai trouvé un moyen de me déplacer à un rythme humain.” Deux ans plus tard, il a déménagé pour son travail.
Son vélo cargo lui permet de transporter le matériel pour la plupart de ses interventions. « Évidemment, il faut plus d’organisation. Je demande aux clients de m’envoyer des photos, ce qui me permet de faire les bons essayages sans m’encombrer de fournitures inutiles. Dans un van, on a tendance à emporter beaucoup plus que nécessaire. Il faut changer ses habitudes. »
La batterie de son vélo électrique lui offre 90 kilomètres d’autonomie. Il se contente généralement de trajets d’un quart d’heure, ce qui lui permet de couvrir toute la ville et la majeure partie de sa clientèle.
Les avantages de ce mode de déplacement ? “Je ne m’énerve pas dans les embouteillages, je ne fais pas le tour des quartiers pour trouver une place de parking. Je gagne beaucoup de temps. Et si je veux faire une pause, je m’arrête dans un parc.”
Et que dire du temps gagné ? Travaille-t-il plus ? « Cela me permet de faire toute la paperasse pendant les heures de travail. De cette façon, je vois plus ma famille.
Pour les plus gros chantiers, il fait parfois livrer le matériel par camionnette. Bien qu’il ait déjà transporté une baignoire avec son vélo.
Ses employés ont-ils emboîté le pas ? « Non, mais je vais bientôt embaucher un ouvrier. Et je vais essayer d’en prendre un qui fait du vélo.
“Je visite plus de clients et j’ai perdu cinq kilos”
Basée aux Grottes, Electritec compte une quinzaine de salariés. L’un d’eux, Jérôme Rostoll, se consacre aux réparations et aux petits travaux. Il sillonne la ville toute la journée et rend visite à une dizaine de clients. Sur un vélo cargo, pendant un an.
“L’idée flottait dans nos têtes depuis pas mal de temps sans qu’on saute le pas”, explique le parrain, Christian Morard. C’est le retrait temporaire du permis de son employé qui a été l’élément déclencheur. “Je pourrais avoir l’employeur sur un chantier. Mais il maîtrise bien ce travail de réparation et il connaît les clients.”
Alors optez pour le vélo. La cargaison est suffisante pour transporter la boîte à outils, la perceuse, les câbles et un escabeau. De quoi répondre à 90% des réparations. Si une armoire à pharmacie doit être installée, un collègue la livre en camionnette.
Les contraintes des deux-roues ? « Il faut être bien organisé le matin pour amener le bon matériel, explique Jérôme Rostoll. Et bien gérer les déplacements.
Avantages ? Un gain de temps “énorme”, de quoi faire encore deux à trois petites réparations dans la journée. “On a tout de suite vu que l’expérience était concluante”, commente le patron.
Cependant, il doute que l’expérience puisse être étendue à d’autres employés. « Le matériel à transporter est souvent très lourd, comme des bobines de câbles. Il faudra une organisation complètement différente. Mais c’est vrai que le stationnement est très cher. Il faudra peut-être l’évaluer.”
Jérôme Rostoll, qui n’était pas cycliste au départ, est satisfait. « En six mois, j’ai parcouru 2 000 kilomètres et perdu 5 kilos. Je reste sur mon vélo, c’est vraiment un plus.
La source: tdg